Autrefois, en se promenant sur des belles plages côtières, il arrivait d’apercevoir un amas de résine grisâtre dégageant une odeur agréable de tabac. Les batteurs de grève qui trouvaient cet amas, nommé «ambre gris» (Ambra grisea), le récoltaient dans l’espoir de faire fortune. À l’époque, cette substance était devenue le fixateur le plus fin utilisé en parfumerie, «magnifiant la senteur naturelle de tous les parfums (Cousteau, 1975)». Son utilisation était devenue si populaire au 15e siècle que l’on payait en Europe son poids en or pour se le procurer. On ignorait toutefois que l’ambre gris était une résine fossile provenant directement de l’intestin des cachalots macrocéphales (Physeter macrocephalus) (Dufault, 2011). En d’autres mots, c’était de la crotte de baleine.
Se nourrissant de près d’une tonne de calmars par jour, les cachalots s’exposent à certains problèmes de digestion (Richard et Prescott, 2005). Les becs de calmars, durs à digérer, peuvent en effet irriter le système digestif de la baleine au passage, stimulant la sécrétion d’une substance lubrifiante par l’intestin (Dufault, 2011). Cette substance, analogue à la cholestérine des calculs biliaires humains, est mélangée aux crottes et est éjectée de la même manière (Barbier, 1837). Elle dérive alors en concrétions sur l’océan et s’échoue sur les plages où elle est récoltée.
C’est avec la popularité de la chasse à la baleine que les pêcheurs ont découvert par hasard d’immenses quantités d’ambre gris dans l’intestin des cachalots tués. Cette découverte n’a pas semblé freiner leur intérêt pour la matière parfumée. Elle a plutôt initiée une chasse barbare de l’animal au profit de l’industrie de la parfumerie. «Un seul bloc de cette sécrétion intestinale et c’était la fortune pour tous», disaient-les pêcheurs en flairant les entrailles perforées de l’animal dans l’espoir de détecter l’odeur de l’ambre gris (Cousteau, 1973).
Depuis 1972, au Canada, la chasse aux cachalots a été interdite à des fins commerciales, soulageant les populations qui subissaient d’énormes pressions (Richard et Prescott, 2005). Le parfum d’ambre gris n’a toutefois pas succombé à cette nouvelle réglementation puisque l’industrie est arrivée à reproduire synthétiquement sa fragrance. Ainsi, encore aujourd’hui, dauphins on retrouve sur le marché des parfums inspirés par la crotte de cachalot.